lundi 24 avril 2017

Le tour du Vercors

Les sorties moto, c'est un peu comme les soirées entre amis, il y en a des plus ou moins réussies, et si pour les secondes on ne sait pas toujours ce qui fait que ça prend ou pas, en revanche pour ce qui est des ballades à moto il y a des fondamentaux a respecter pour les réussir.


C'était un peu l'état de ma réflexion ce lundi matin, et en proposant à mon ami Erick une énième  sortie dans le massif du Vercors, j'avais un peu peur de lasser mon public, trop de Vercors allait-il tuer le Vercors?
L'être humain est ainsi fait qu'il a tendance à se lasser, et ce, même face à des évènement positifs. Il existe même un terme spécifique en psychologie pour nommer le phénomène; "l'habituation hédonique". Si si, je vous assure c’est vrai, ça existe, j'ai même lu tout un article sur le sujet. Bien sur les experts qui étudient ce concept, le font à travers des situations bien plus "sérieuses", genre l'usure de l'amour au sein du couple, l'érosion du désir et tout ça... N’empêche que je me suis dit attention, on ne peux pas ignorer le phénomène, on ne plaisante pas avec les données expérimentales, ça pourrait aussi bien le faire pour la moto... J'imagine le scénario catastrophe
"Plus envie de rouler moi...marre de balancer ma chouette bécane dans les virages... et pis toutes ces ballades au soleil le matin à la fraiche avec juste la nature et nous... les arrêts au restau... moi j'peux plus.."
Ça fout les jetons hein? Il me fallait sans plus attendre nous concocter une sortie façon test scientifique pour en avoir le cœur net, risquait on de se dégouter du Vercors?  La randonnée d'aujourd'hui sera de force 10 sur l'échelle du rider, elle pourra même être utilisée plus tard comme exemple par les chercheurs qui désireraient étayer leurs thèses en psychologie. J'ai prévu de faire le tour du massif. Au programme il va y avoir des millions de virolos vicelards, mais aussi des grandes courbes, des cols, des petites routes noyées au fond des gorges, des montées de fous, des descentes en rappel, des tunnels souvent très froids et humides, et surtout de somptueux paysages à se faire péter la rétine. Et si après ce traitement de choc on a encore envie d'y retourner rouler, c'est bien que la routine, définitivement, ça ne nous concerne pas!!!
C'est en arrivant à la hauteur de Voiron, que l'on prend conscience des proportions du Vercors, et pour le coup, ça inspire tout de suite un certain respect. Va falloir grimper tout là-haut pour faire le circuit? Car évidemment quand j'ai parlé d'un tour du massif, c'est bien sur les hauteurs que ça va se passer. C'est vrai qu'il est imposant le bestiau, ses hautes falaises qui dominent l'Isère avant d'arriver à Grenoble m'ont toujours fait penser à l'étrave d'un énorme bateau, posé là, coincé entre la Chartreuse et le Diois. Il existe une route qui grimpe à l'assaut des hauts plateaux, elle démarre un peu après Sassenage et fut une des toutes première à être construite au début du XIXème siècle afin de faciliter les échanges commerciaux entre la région de Lans et Grenoble. Elle monte presque tout droit dans la région des "Quatres Montagnes" et permet de nos jours aux Grenoblois un accès rapide aux stations de ski de Lans en Vercors, Méaudre et Autrans. Mais ce n'est pas par ce coté que nous allons attaquer la chose ce matin.

Voilà le parcours de la journée
De Lyon jusqu'à Vif, autoroute pour gagner du temps, 130km/h, les motos se dégourdissent un peu les bielles avant la fameuse journée qui les attend. Ahhh si tu savais Angela, comme souvent dans ces moments là je pense à toi et à ton pays ou on peu rouler à fond sur autoroute, ça nous en ouvrirait des perspectives de rando lointaines. A 200 km/h de vitesse moyenne on en abat du chemin!!! mais bon, vous n'avez pas le Vercors. Nous stoppons à Vif pour un café matinal, rituel incontournable de la sortie moto, pause qui nous permet d'évoquer les derniers potains et de caler ensemble le parcours qui va suivre, aujourd'hui c'est moi qui suit le capitaine de sortie.

Erick se plie avec patience à chacune de mes pauses photo...Vercors vu de l'Est
La D1075 que nous attrapons à la sortie de Vif nous ramène à la réalité, ça y est les virages se forment. On voit apparaitre sur notre droite les reliefs les plus hauts et plus au sud la silhouette du Grand Veymont, le point culminant du massif, avec un peu plus de 2000m. Encore un peu plus loin au sud et alors que nous remontons en direction de Chichiliane, c'est la silhouette atypique du Mont Aiguille qui nous force à de nouveau faire une pause photo. C'est sa face sud qui est la plus facile à photographier lorsqu'on reste sur de la route goudronnée, ce n'est pas la plus impressionnante. Il va falloir que je trouve un moyen de le voir coté est ou ouest, mais je n'ai pas encore trouvé de route qui y conduise.

Le mont Aiguille, une des sept merveilles du Dauphiné
C'est à partir de maintenant cher lecteur (et j'espère que tu existes) qu'il va falloir te concentrer, relever ta tablette, ajuster ta ceinture, finir d'enfiler tes pantoufles et cesser de nous prendre pour des retraités en goguette, nous sommes des aventuriers.  La D7 qui monte au col de la Menée, c'est pas de la route pour les chochottes. Les mecs qui attaquent et se la jouent Marquez avec le genou à terre dans les virages doivent avoir un gros cœur au vu du nombre de virages, de la largeur de la route et surtout de la profondeur du précipice, là juste à coté de toi. Nous n'en avons pas vu un seul!!! Moi, ben tu me connais, je grimpe tranquillou, tout occupé que je suis à repérer un endroit ou faire de belles photos, je vois bien de temps en temps dans mon rétro le museau de la VFR qui essaye de me pousser, mais je ne cède pas à la tentation, je dois lui ramener son époux en seul morceau à Mme la colonel.

A droite le précipice. Si une des motos venait à tomber, on ne pourrai pas même récupérer de quoi se faire un cendrier
Nous avons été surpris quand il est apparu, au détours d'un virage un peu moins vachard que les autres. Il était à peine midi, mais on s'est dit avec Erick que c'était là maintenant, qu'on allait s’arrêter et s'offrir un petit repas de réconfort tant l'endroit est sympathique. Si vous passez dans le coin, prévoyez de vous y arrêter pour manger. Même mieux, passez y la nuit, ça s’appelle "Le mont Barral" dans le hameau de Treschenu-Creyers. 

Treschenu-Creyers, un hameau paradisiaque, 5 habitants, 3 chiens et un hôtel tenu par une blonde comac qui vous sert une espèce de drôlerie rouge de Châtillon en Diois... du divin!!!

L'après-midi reprend et nous tirons droit sur Die pour faire le plein des bécanes, avant d'entamer un nouveau morceau d'anthologie, une route qui ne devrait pas tarder à être classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, la montée au col du Rousset. Mais qu"est-ce qui peut bien se passer dans ma tête lorsque je me retrouve à rouler sur cette route? Nous avons tous des destinations favorites, des parcours qui nous ont laissé des bons souvenirs, des ballades pendant lesquelles il s'est produit quelque-chose qui fait que notre inconscient les a rangés soigneusement dans un petit coin de notre tête, prêt à être ressorti au bon moment, Mais là pour moi ça procède d'autre chose, ce sont au moins des réminiscences de vie antérieure. Je me vois bien arpenter ce chemin, les véhicules à moteur n'existant pas encore, c'est à cheval que je me déplace, j'ai derrière moi la fille du seigneur local, elle est jolie bien sur (moi je suis plus jeune aussi) je viens de la sauver des griffes de brigands mal intentionnés, je la ramène chez elle...Mais nous voilà déjà arrivés en haut?  à l'époque à cheval le temps passait moins vite.

Combien de fois encore avant de se lasser??
La montée, une fois de plus fut à la hauteur, il y a bien quelques gros cailloux qui descendent  des parois pour essayer de piéger les motards étourdis, mais nous, nous avons les yeux collés au bitume, on ne nous la fait pas!!! Arrivés en haut à l'entrée du tunnel on stoppe comme d'habitude, c'est marrant aujourd'hui pas de rencontres imprévues. La dernière fois le fils d'un ancien résistant m'a raconté l'histoire de son père qui montait de nuit à moto de Chamaloc, sans lumière, pour renseigner les maquisards sur les mouvements des troupes allemandes. Car il ne faut surtout pas zapper le fait qu'en raison de son coté impénétrable, le massif du Vercors fut un haut lieu de la résistance française. Il fut aussi le théâtre de batailles très violentes, notamment dans les environs de Vassieux-en-Vercors ou en Juillet 1944, c'est en planeur que les allemands débarquèrent leurs troupes pour reprendre le contrôle de ce territoire, avec à la clef un effroyable bain de sang. On se doit de s’arrêter devant le monument érigé ici à la mémoire de ces hommes sacrifiés sur l'hôtel de barbarie humaine, mais ce sera pour une autre fois, notre route passant plus à l'est en direction de la Chapelle en Vercors. 
Il  y a quelques années de cela une petite route, elle aussi construite au XIXème siècle, à grand renfort de courage et de peine humaine, suivait les gorges de la Vernaison, elle s'appelle la route des "Grands Goulets". Son tronçon le plus intéressant est malheureusement fermé de nos jours, et remplacé par un tunnel terriblement plus efficace, mais tellement moins pittoresque. On se rattrape plus loin, car depuis quelques semaines la route qui serpente à l'intérieur des gorges de la Bourne et qui relie Pont-en-Royan à Lans-en-Vercors (D531) a été ré-ouverte à la circulation, il n'en fallait pas plus pour me décider à faire passer mon itinéraire par cet endroit. 

Pour certains passages la route est creusée à même la roche sur quelques kms


Nous suivons cette portion de route jusqu'à l'embranchement de la D35 qui mène à Rencurel. Encore une fois on ne peux pas s’empêcher de penser à ces travaux pharaoniques qui furent entrepris, tous sensiblement à la même époque, avec toujours dans l'idée la connexion de ce monde montagnard isolé avec les grandes villes des vallées. Cette partie du Vercors s'appelle "Les Coulmes", les paysages y sont différents avec de grandes forêts de résineux qui nous font frétiller les narines au passage. J'avais prévu une redescente vers St Gervais sur la rive gauche de l'Isère. Malheureusement une route fermée pour cause de travaux, nous oblige à changer nos plans et nous descendons finalement jusqu'à la vallée par Malleval et les gorges du Nan. Un coup de pouce du destin?? quand je pense que j'avais prévu de passer plus au nord, nous avons failli rater cette route magnifique dont une partie est en encorbellement, creusée dans la parois de la montagne, très étroite, et assez exposée...Merci Mr DDE. Il nous faudra y revenir pour en profiter plus pleinement, car ce soir, les chevaliers commencent à ressentir une certaine fatigue et Lyon est encore à plus de 100kms. La D1532 que nous rattrapons une fois dans la vallée, suit l'Isère et nous roulons en direction de Romans. On traverse d'immenses vergers de noyers encore tous dépouillés par l'hiver; ici aussi faudra revenir, à l'époque de la récolte, parait que les techniques de récolte industrielles pour les noix sont impressionnantes.
Le retour final sur Lyon se fera par Hauterives, Beaurepaire,Vienne, pour finalement retrouver la case départ après avoir roulé entre 450 et 500 kms.
Vous avez dit fatigués? le mot est un peu faible. Je suis crevé et j'ai mal aux fesses après ce traitement de choc, mais j'ai tellement de belles images dans la tête que ça compense. 
Vous avez dit écœurés? pas du tout. En regardant de plus près notre parcours je m'aperçois que nous n'avons pas encore visité le coté sud-ouest du massif, en bas à gauche de la carte du Vercors il y a la Gervanne, le col des  Limouches, le saut de la Druise. Ça nous ferait un beau programme pour une future destination de ballade non?
Vous avez dit même pas un peu marre? (Si si j'ai entendu...) Ben non. les paysages sont tellement variés dans le massif qu'il suffit de quelques kms pour passer d'une foret à une route accrochée au flanc de la montagne, pour sortir du fond de gorges encaissées et se retrouver sur des hauts plateaux...
Alors l'ennui, c'est pas pour maintenant. Puis il y a quand même un autre truc qui joue en notre faveur, l'envie toujours aussi forte de sillonner les routes sur nos bécanes, et pour ça nous sommes vraiment incurables.




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