L'Alpujarra

Sur ma carte d'Andalousie je cherche un itinéraire sympa pour la journée. Je ne connais pas très bien cette partie de l'Espagne mais je me doute en voyant tous ces reliefs que la région a beaucoup à offrir, tellement même que pendant un moment je suis dépassé par l'ampleur du choix, comme un gosse dans un magasin de jouet j'ai envie de tout essayer, oui mais par quoi commencer?

La mer c'est fait. Comme un bon touriste je me suis précipité sur les routes du littoral histoire de combler un peu le manque de mer et de soleil que ressentent fatalement les motards qui en sont souvent privés, mais maintenant j'ai envie d'autre chose, de Sierras et de villages blancs par exemple, ça tombe bien il y a une région ici qu'on appelle la Alpujarra et dont c'est justement la spécialité, ce sera mon choix du jour.

Il y a un truc que j'apprécie tout particulièrement dans le sud de l'Espagne, c'est qu'il n'y a jamais vraiment besoin de se poser la question du temps qu'il va faire avant de programmer une sortie, tout juste on jette un coup d’œil distrait sur le site météo espagnol pour savoir s'il fera chaud ou très chaud, et c'est suffisant. Ici on pourrait croire que devenir météorologue ne demande pas de compétences particulière si ce n'est de savoir dessiner des beaux soleils jaunes sur des cartes, hé bien ce n'est pas vrai paraît il, de temps en temps il faut rajouter des nuages, voir même de la pluie, perso je n'en ai encore jamais vu...

Une idée du parcours ??

La Alpujarra c'est le nom donné à un petite région située sur les flancs sud de la  Sierra Nevada. La douceur de son climat et la présence d'eau en relative abondance en font une région propice à la culture arboricole, on y trouve des centaines de citronniers, oranger, amandiers, on a vu pire comme décors de ballade non ??
L'itinéraire prévu ne fait guère plus de 150km, mais compte tenu de la teneur en virolos du parcours, de la nécessité de visiter quelque uns des villages blancs qui jalonnent l'itinéraire, et bien sur de prendre le temps pour un arrêt gastronomique, la journée sera bien remplie.

Lorsque c'est la saison de la floraison des agrumes, l'odorat est encore plus sollicité que la vue

À peine quitté la petite ville de Salobreña et voilà que la route se faufile déjà dans un canyon. Au pied des falaises il y a juste la place pour la route et un petit bout de ruisseau de rien du tout. On se demande bien comment ce pipi ridicule a pu creuser de si impressionnantes gorges, on trouve vite l'explication quelques kilomètres plus loin. Initialement la rivière était plus imposante mais le barrage de Rules qui retient une bonne partie de son débit, en a considérablement diminué le volume. C'est grâce à lui que toute la région est alimentée en eau douce et en électricité. J'ai beau admirer de telles réalisations humaines, n'empêche, lorsque je roule sur cette route avec ce monstre au dessus de la tête je ne dois pas être le seul à souhaiter que le béton ait été réalisé avec soin.

Les quelques kilomètres de route au fond des gorges prennent une autre dimension quand au détour d'un virage on aperçoit ce truc...

Une centaine de mètres de haut, des millions de m3 d'eau... une sacrée baignoire

Les guides touristiques c'est pas mal pour te renseigner sur les particularités d'un pays, sur son histoire sa gastronomie, mais il n'y a pas que ça qui compte pour les motards. L'état du petit ruban de bitume, celui qui défilé sous nos roues et qui nous relie au sol, est super important, et selon son état il peut te transformer une sortie sympa en calvaire pour peu qu'il soit tout naze. Et là pour le coup, autan je savais à quoi m'en tenir au niveau visite de villages, beauté des paysages, autan j'étais dans le doute au niveau de la route. Ça m'est déjà arrivé en France d'avoir sous les yeux des vues à te péter la rétine mais de tellement galèrer avec ta bécane pour éviter les trous dans la chaussée que finalement tu n'en profites pas vraiment. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, la route est superbe, juste un petit peu étroite par moments, mais bon c'était ça ou raser la montagne...

Jamais très loin de nous les infrastructures impressionantes de la voie rapide A7

Pour nous c'est petites routes et virolos à gogos sur un asphalte parfait... enfin presque

De ces quatres villages blancs le plus joli est sans doutes Pampaneira

Une fois passé la ville de Orgiva, dans ma tête c'est l'appel du virolo. Le long ruban de bitume semble m'aspirer et je ne dois qu'à la promesse faite à ma passagère de rouler cool et de nous arrêter souvent de ne pas enquiller la boucle de 150km tout d'un coup comme un goret. Ce serait dommage d'ailleurs, car les villages blancs qui se trouvent sur notre route sont jolis. Ils sont construits un peu selon la tradition Berbère, et sont comme leur nom l'indique, peint tout en blanc. Les deux premiers que nous traversons sont Orgiva et Lanjarón, le premier ne nous a pas emballé et le second très connu ici pour son eau minérale et son aqua musée est plein de touristes. C'est donc encore un peu plus loin que nous avons fait le premier stop, dans le petit village de Soportùrar, dont la spécialité est un peu atypique.

Soportùjar, le village des sorcières. 

À Soportùrar la magie noire ne serait pas qu'une attraction touristique, il y aurait eu parait-il de nombreuses traces attestant la présence de sorcières. Vrai? Faux?Toujours est il qu'ici le thème de la sorcellerie est décliné un peu à toutes les sauces et même si on n'y croit pas forcément on a trouvé ça original.

Holà toi... Arrête de grogner

A l'entrée du village le ton est donné

Hummm!! La fontaine aux propriétés aphrodisiaques. Le temps de boire un petit coup et je te rejoins dans 5mn Marie

Avec le mamouth pour une photo souvenir, pouvu qu'elle ne me le transforme pas en citrouille 

Les villages blancs ne le sont jamais entièrement, les parties basses des maisons présentent la plupert du temps une bande de peinture foncée 

L'étape suivante nous mène jusqu'à Pampaneira. Ici nous ne sommes qu'à 1050m d'altitude mais comme nous sommes parti du niveau de la mer on a eu l impression de grimper bien plus que ça. Dans ce village l'accent est mis sur l'artisanat et notamment sur la confection de tapis réalisés avec des morceaux de résidus de tissus, on les appelle des jarapas. Bien sûr ce village est assez touristique mais aujourd'hui aucun car n'est encore arrivé pour déverser sa cargaison de touristes, ce qui laisse le loisir de parcourir les ruelles dans le calme. On a même eu la chance de tomber sur une procession qui traversait le village (on verra par la suite que la chance n'y est pas pour beaucoup, il y a tellement de manifestation religieuses dans les petits villages andalous qu'il est plutôt rare d'y échapper)

Les Maures sont restés en Andalousie jusqu'au XVème siècle, ça a laisser des traces au niveau architectural 

Les jarapas, tapis réalisés avec des chutes de tissus

Nous avons continué l'ascension en montant dans les villages de Bubión puis de Capilleira. Le mamouth est royal de souplesse sur ce genre de route. A deux, à 1500tr/mn je peux rester en 5ème sans soucis pas de cognement du moteur, pas besoin de rétrograder en catastrophe, même si je lui demande d'un coup de dépasser un touriste encore plus lent que nous.

Capilleira est à 1400m d'altitude, en arrière plan la vue sur le Mulhacen, le plus haut sommet de la péninsule Ibérique avec presque 3500m tout de même.  

Ces deux villages sont tout aussi charmants que Pampaneira, mais nous avons quand même une petite préférence pour ce dernier, peut être parceque le restau dans lequel nous avons mangé hébergeait pour la journée un orchestre en goguette qui a fait danser tous les clients.

Des musicos, des Espagnols et de la bière 

L'étape suivante c'est Trévelez, plus haut village de la péninsule Ibérique 1476m. Ce n'est pas le village le plus beau mais il a une particularité, voir un atout, son climat qui est super sec, et ce n'est pas qu'au niveau moto que c'est intéressant. Les Espagnols adorent le jambon cru et il y a une étape importante dans le processus de sa préparation c'est le séchage. Grâce à son climat sec et doux Trévelez est devenu la Mecque du séchage de jambon (elle est bonne celle là non??).

La A-4132 qui monte jusqu'a Trévelez est particulièrement sympa à enrouler et même si tu es motard vegan, n'hésite pas vas-y

La ville est parsemée d'entreprise de séchage de jambon  (Los secaderos) et de boutiques de vente.

Conséquence de cette industrie y'a des pattes de cochons qui sèchent de partout

Sinon vu de loin Trévelez est un village blanc comme les autres

Quand on regarde de près une carte de l'Andalousie on s'aperçoit que la Sierra Nevada est une barrière entre le sud et le nord d'une bonne centaine de kilomètres de long sur cinquante de large. Les cols routiers sont rares, je n'en connaît que deux situés à l'est du massif. Autan dire que pour nous qui nous trouvons de l'autre côté il va falloir redescendre en direction du littoral et de Salobreña si on veut terminer notre itinéraire dans la journée. Ce n'est vraiment pas une punition. Rouler avec la mer en ligne de mire, sur des routes très étroites certes mais tellement sauvages, je ferai bien ça plus souvent. Pas question de rouler comme un fou ici, même si tu serres à ta droite en virage ta tête peut toucher les arbres de l'autre coté de la route. Reste plus qu'à profiter des paysages et des odeurs de pin et de genêt. Plus on redescend vers la mer plus la température se rafraîchi.

Odeurs de pins et de genêts, mer Méditerranée en ligne de mire

Il peut y avoir une dixaine de degrés de différence entre le littoral et les contreforts de la Sierra Nevada, ce n'est pas plus mal après une journée de moto, le top aurait été de prévoir un stop sur la plage pour une baignade rafraichissante, on manque encore d'expérience dans cette région mais attendez les prochaines sorties.