samedi 17 mars 2018

Une printanale en solitaire

Amateurs de rides hivernaux, baroudeurs du Grand Nord, aficionados des conditions extrêmes, je vous le dis franchement, vous perturbez mon existence de motard tranquille. A lire un peu trop souvent vos exploits, je commence à développer un sérieux complexe d'infériorité.




Moi le frileux congénital, moi le mec qui ne roule que quand il fait beau, je le vis presque comme de la provocation et ça ne peux plus durer. Je vais vous montrer que je peux faire pareil, que moi non plus je ne me laisse pas intimider par les caprices climatiques. La neige, les "Moscou-Paris" ça me fait bien rigoler et comme disent les amateurs de sorties glacées, le froid pour le supporter, ben il suffit de ne pas y penser.

Annoncer fièrement qu'on va se faire une hivernale fin mars c’est un peu limite et pour tout dire, ça sent légèrement l'arnaque. On ne va pas chipoter pour une question de vocabulaire quand même, du coup, vu la saison, ma sortie je vais l'appeler une "printanale" et je vais la faire en solitaire dans le parc du Morvan.
Osé non?
Quand on se prépare à réaliser un truc de fous comme ça, quelque chose qui sort vraiment de l'ordinaire, il faut un peu de temps pour l'assimiler, se persuader qu'on n'a pas pris une décision sans réfléchir, juste pour frimer. C'est généralement à ce moment que votre famille, vos amis les plus proches tentent de vous dissuader de mettre ainsi votre vie en péril, sans raisons, juste pour montrer aux autres que vous aussi vous en avez...
Bizarrement, autour de moi personne n'a vraiment réalisé la dangerosité de ce challenge, et c'est en toute tranquillité que personne ne m'a empêché de partir ce samedi pour mon expédition.
Il est 14h00 quand Titine fait ses premiers tours de roues, je suis tendu, devant moi c'est quand même un peu l'inconnu, vais-je supporter? Il fait tout juste 16°C, le ciel est bleu, le soleil me nargue grave, et mine de rien je me prépare à faire un circuit de presque 100kms.


Je ne vous ment pas, les conditions météo sont extrêmes!!!

Coté fringues, je ne suis pas au top. Mon expédition n'était pas prévue et ma tenue de motard est restée sur Lyon. Du coup je suis bien obligé d'improviser. J'ai tout de même un blouson de cuir avec doublure, un vieux pull, jean "Celio" et baskettes de jogging en toile percée de milliers de petits trous pour laisser passer l'air, pratique, en été ça évite de puer des pieds. Pour les gants j'ai longtemps hésité, je n'ai pas avec moi mes gants chauffants spécial grand froid, alors mon choix s'est porté sur ceux en cuir qui me servent habituellement a charier le bois de ma cheminée. Ainsi apprêté, je ressemble plus à un  bucheron qu'à un motard. Malgré tout, après quelques kilomètres mon anxiété s'est un peu apaisée et à peine 10 minutes plus tard je traverse Bourbon Lancy, direction Luzy, la porte d'entrée sud du Morvan. On a beau dire, 16°C, avec le vent apparent ça devient vite insupportable, et ce soleil de face qui m'empêche de bien voir le macadam. Il est complètement sec et ça me gène considérablement. Hé oui, rouler à cette période de l'année en deux roues n'est pas de tout repos, et le manque de neige ou au moins d'un peu d'humidité sur la chaussée à tendance à me déstabiliser. Heureusement ça va changer assez rapidement, et dés mon entrée sur les routes du Morvan je comprend vite qu'un complot anti-motards est en train de se mettre en place. Il vient des éleveurs de vaches Charolaises qui ont commencé à remettre leurs précieuse bêtes dans les prés et qui méticuleusement ont commencé à crépir la route avec du fumier. C'en est à un point tel que par moments il me faut naviguer en mode "slalom super G" pour me faufiler entre les bouses, mais ça je m'y étais préparé, un jour je vais finir par devenir végétarien. Un peu plus loin sur la D27 c'est la ville de Larochemillay, il flotte toujours dans l'air ces effluves de purin, bonjour les odeurs printanières. Tous mes sens sont en alerte (malheureusement), car c'est maintenant le moment de tourner à droite sur la D192, direction le village de Poil. Au moment de négocier ce virage à angle droit, toute ma préparation me revient subitement en tête, attention, la route est impeccable, pas de gravillons, pas de boue, ça pourrait être dangereux. Je vais encore rouler comme un poireau pendant plusieurs dizaines de kilomètres. Le nez au vent je fais la course avec les premiers papillons qui commencent tout juste leur saison. En sortie de courbe une "GSXR750hypersport" me double dans un grondement akrapovicien, elle me fera tellement sursauter que je me retrouve presque dans le fossé, au guidon un motard tout de cuir vêtu, avec un blouson Suzuki très classe, il disparaîtra de mon champs de vision tellement rapidement que j'ai bien cru qu'il s'était vautré dans un virage. Elle peut venir la limitation à 80km/h, si j'y suis opposé par principe et par solidarité envers mes petits camarades motards, elle ne va pas me gêner énormément. Maintenant j'aborde le petit village de Poil, ici c'est à chaque fois le même dilemme, je m'arrête, je ne m'arrête pas, je fais une photo, et je la poste avec une bonne grosse vanne de potache, mais bon, j'ai déjà fait Montcul dans l'Ain, Chatte dans la Drôme, (j'en oublie surement) j'ai un peu peur de lasser mes amis. A Charbonnat je sorts du parc et je prend une petite route très sympa qui me conduit à Issy-l'Evèque. Le défi est en passe d'être gagné, il y a juste un truc que je n'ai pas encore fait. On sait tous combien c'est important de faire tout ce qu'on a prévu, alors je me souviens que j'ai noté en fin du roaboock, boire une bonne bière fraiche dans un bar. Vous connaissez la nature humaine, il suffit d'un peu de motivation pour réaliser de grandes choses. Pour moi le Graal maintenant c'est ce petit bar au fin fond de la place du marché de Bourbon-Lancy, "Le 1900". Il brille comme une étoile dans la nuit, comme un phare, un refuge, un Saint Bernard avec son tonneau... J'y serais en quelques dizaines de minutes.



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