Alain le motard: En liberté surveillée dans le parc du Morvan

Si comme moi vous habitez sur la planète Terre, vous avez forcément entendu parler du Corona Virus, cette sale bestiole qui nous pourri la vie depuis le début de l'année. Pour un petit nouveau il a quand même réussi l'exploit de faire enfermer les trois quarts de l'humanité pendant plus de deux mois, des semaines entières sans moto, sans copains, sans restau... Une vraie misère.

Rester aussi longtemps sans pouvoir mettre la bécane dehors, j'avais jamais vécu ça. Alors comme tout motard à peu près normal, lorsqu'on a enfin retrouvé la possibilité de sortir j'ai apprécié de remettre les roues de Harlette dehors, il était temps, la perspective de ne plus avoir aucune autre expérience motorisée que celle passée à trottiner derrière ma tondeuse à gazon me minait le moral.

On respire un peux mieux depuis le 11 mai et c'est tant mieux, finalement l'apocalypse n'aura pas lieu, où alors pas tout de suite. On dirait bien que le virus à décidé de nous laisser souffler un peu. C'est pas trop tôt, car cet enfermement généralisé a fait de gros dégâts sur mon calendrier sorties moto, à tel point qu'il m'a fallut décider en urgence d'un plan de relance ambitieux pour sauver ma filière roadtrip. Et cela, même si en raison d'un déconfinement progressif, on ne peut pas encore faire les foufous comme avant.

Le jour "J", à l'annonce de notre liberté partiellement retrouvée, j'imagine que beaucoup de motards ont du faire comme moi, se ruer sur leur GPS histoire de trouver un joli parcours afin de fêter l'événement.

Pour être franc, moi je sentais bien qu'après toutes ces semaines de sevrage et de frustration le choix de la destination allait être difficile tellement il existe de possibilités de sortie dans notre beau pays. Heureusement nos responsables politiques font tout pour nous faciliter la vie... Avoir imposé aux français de ne pas s'éloigner d'une distance de plus de 100km de leur lieu de résidence, voilà une décision qui m'aura finalement bien aidé dans ma sélection. Imaginez, j'hésitais entre plein de destinations genre les Alpes, les Pyrénées, le littoral méditerranéen, ou pourquoi pas la côte atlantique... ben non, pas possible, trop loin à dit le premier ministre, du coup se sera le Morvan.

Bon faut être honnête, le parc du Morvan il y a pire comme punition, surtout quand il fait beau comme c'est le cas ici depuis plusieurs semaines, pendant la quasi totalité de notre réclusion en fait. Il semblerait que l'anticyclone des Açores ait décidé de poser ses valises chez nous un peu plus tôt que prévu. Moi qui pense toujours être la victime d'un complot ourdi par je ne sais quelle puissance supérieure, je voyais bien la pluie faire son grand retour dès que nous aurions de nouveau le droit de resortir. Mais non, même pas... Il fait toujours aussi beau dans le ciel de Saône et Loire depuis le 11 mai, du coup c'est décidé, je vais refaire le Morvan une fois de plus.

Pris comme ça à froid et loin du contexte, me fixer comme balade de déconfinement une nième virée dans cette région ne m'a fait pas fait sauter de joie, voir je me suis même senti un peu blasé. Le problème c'est que je le connaît trop bien ce coin, habitant à moins de 50 km de sa limite sud, je ne me suis jamais privé d'aller y tourner. Ajoutez à cela que j'avais prévu de faire ce circuit très tôt le latin, au lever du soleil, (et en juin il se lève tôt le bougre), on comprend mieux pourquoi j'ai eu un mal de chien à m'arracher des bras de Morphée.

Mais une fois les fesses sur la moto, la magie a fonctionné une fois de plus. Il n'a pas fallut bien longtemps au soleil qui s'est levé devant moi, à l'air frais qui m'a fouetté le visage pour me réveiller, aux senteurs des résineux de la forêt morvandelle et à ses petits virages pour me transporter ailleurs, une sensation que connaissent bien les tous motards. Évidemment, le parc du Morvan ce n'est pas le Grand Canyon du Colorado, ici pas de falaises vertigineuses, pas de rochers colorés étincelants sous le soleil, pas non plus de vues à des kilomètres à la ronde, mais des forêts, beaucoup, et très touffues, des feuillus dans sa partie la plus basse et des résineux plus haut. Il ne faut pas oublier qu'à quelques siècles de notre époque le Morvan fournissait du bois pour une partie de la France, il était acheminé par flotaison jusqu'a Paris où il servait principalement de bois de chauffage. Je suis un petit chanceux de ne pas habiter très loin de la ville de Luzy. C'est la frontière sud du parc, et y entrer par ce côté me plonge immédiatement dans sa partie la plus escarpée, le Haut Folin (900m, ok c'est pas l'Annapurna). Ici c'est le royaume du petit virage, la ligne droite reste un concept assez peu répandu, et ce même sur les routes principales, alors imaginez ce que ça donne sur les transversales... Et pourtant il ne faut surtout pas se priver de les prendre, quitte à se perdre, ce dont j'abuse très régulièrement. Un peu plus au nord on tombe sur les grands Lacs des Settons et de Panecière. Ces retenues artificielles ont été tout spécialement conçues pour réguler les débits de la Cure et de l'Yonne, deux affluents importants de la Seine. À eux deux ils drainent une bonne partie des eaux de pluie du massif, et pendant longtemps ils ont été responsables des grosses crues survenues dans la capitale. Ces deux lacs sont jolis même si je les trouve un peu trop fréquentés les week-end. Si on pousse encore un peu plus loin dans la même direction, passé Lormes et le château de Vauban on arrive vite à la célèbre ville de Vézelay, perchée au sommet d'une petite colline, on y trouve des églises, des couvents, des restau, bref une cité bien marquée par le tourisme à coloration religieuse, c'est pas mon trip mais le village est très joli. Mais à partir d'ici me voilà déjà à la limite de ma prison, d'ailleurs j'aperçois les barreaux, il est temps pour moi de faire demi-tour et de rentrer par le côté ouest au pieds du massif, un parcours au relief bien moins accidenté, mais très paisible. Il va me falloir encore un peu de patience pour les grands roadtrips, on parle en haut lieu de supprimer la limite des 100km dans quelques jours, il ne reste plus longtemps à attendre.